Le 3 octobre à New York, les projecteurs judiciaires et médiatiques sont braqués sur l’ouverture du procès de Sam Bankman-Fried, aussi appelé “SBF”. Fondateur de la bourse d’échange de cryptoactifs FTX, il est accusé d’être à l’origine d’une fraude colossale : l’évaporation de près de 9 milliards de dollars. D’après plusieurs sources, il s’agirait de « l’une des plus grandes fraudes financières » dans l’histoire américaine.

Icarus

Sam Bankman-Fried, diplômé du prestigieux Massachusetts Institute of Technology, a lancé FTX en 2019. En un temps record, cette plateforme s’est valorisée à plusieurs centaines de milliards de dollars. Mais son ascension fulgurante ne s’est pas arrêtée là. Doté d’une fortune estimée à 26 milliards de dollars, cet atypique « personnage en bermuda, T-shirt et vieilles baskets » est devenu l’ambassadeur du monde financier basé sur la blockchain.

Ce parcours hors norme a captivé le célèbre auteur Michael Lewis. Dans son livre « Going Infinite: The Rise and Fall of a New Tycoon », Lewis peint un portrait détaillé de SBF, évoquant leurs rencontres dès 2019 et décrivant les révélations de Bankman-Fried sur « les dizaines de milliards de dollars accumulées » ainsi que « les centaines de millions que lui offraient les principaux investisseurs en capital-risque de la Silicon Valley » qui voyaient en lui un potentiel futur trillionnaire.

Aujourd’hui SBF est “accusé d’avoir escroqué plusieurs dizaines des plus grands investisseurs au monde ainsi que des millions de clients de sa bourse de cryptomonnaies FTX et d’avoir volé des milliards de dollars qui lui avaient été confiés”, récapitule le Financial Times. Les crimes dont il doit répondre “ont été comparés à ceux commis par Bernard Madoff” et Il encourt “plus d’un siècle d’emprisonnement”.

Derrière le dédale

En l’espace de deux ans, FTX, une bourse d’échanges de monnaies virtuelles, s’est métamorphosée en un colossal « empire de la crypto ». Sam Bankman-Fried avec l’aide de ses camarades d’université met en place un mécanisme sophistiqué visant à transférer massivement les fonds de ses clients vers Alameda Research, une société d’investissement qu’il avait affiliée.

Alameda Research, bien plus qu’une simple société d’investissement, est devenue le principal canal d’utilisation de ces fonds. Elle a consacré cet argent à une variété d’investissements, allant du capital-risque à l’acquisition de propriétés de luxe, en passant par des contributions politiques et d’importantes dépenses de marketing, dont une publicité notable durant le Super Bowl américain.

Initialement, Alameda Research a prospéré en exploitant des méthodes d’arbitrage classiques sur le marché du bitcoin. En termes simples, elle achetait le bitcoin à bas prix sur certaines bourses asiatiques pour ensuite le revendre à un prix supérieur sur d’autres marchés, maximisant ainsi ses profits. Cependant, selon une enquête de la SEC – l’organisme de régulation boursière des États-Unis- Bankman-Fried aurait utilisé les fonds de FTX non seulement pour soutenir ces opérations mais aussi pour des achats extravagants, notamment de propriétés de prestige.

Sol Invictus

Le vent a commencé à tourner en novembre 2022. Le marché des cryptomonnaies, déjà en pleine turbulence, a vu certains prêteurs exiger des remboursements de la part d’Alameda Research. En réponse, SBF aurait transféré « encore plus d’argent à Alameda », pour tenter de sauver le navire. Les complications se sont intensifiées quand CoinDesk a révélé qu’Alameda avait basculé une grande part de ses actifs en FTT, la cryptomonnaie de FTX. Binance, le géant des échanges de crypto, a alors tenté de porter secours à FTX avant de décider de vendre tous ses FTT. Résultat ? FTX et Alameda ont sombré, laissant la fortune colossale de SBF se volatiliser.

L’effondrement de FTX a eu des ondes de choc majeures dans l’industrie de la crypto. De grandes plateformes comme BlockFi et Genesis Global Trading ont également sombré, faisant perdre au marché des cryptomonnaies plus du tiers de sa valeur.

Ce naufrage n’a pas seulement eu des répercussions financières. “Près de 9 milliards de dollars d’avoirs de clients ont disparu”, a rappelé The Wall Street Journal. Alors que le procès s’étendra jusqu’à mi-novembre, le monde financier retient son souffle, anticipant les retombées qui pourraient redéfinir le secteur des cryptomonnaies pour les années à venir.