L’Afrique, à l’image du reste du monde, subit de plein fouet les conséquences du Covid-19. L’impact socio-économique de cette pandémie internationale sur le monde et sur notre continent est sans précèdent. L’activité économique est au ralenti, sinon à l’arrêt, et des millions de personnes sont confinées partout dans le monde. Les secteurs d’activités sont condamnés au ralentissement, voire à l’arrêt ou encore à la refonte totale de leur business model : transport aérien, tourisme, assurance, industrie automobile, industrie du loisir, etc.
Les périodes de confinement ont enregistré un usage sans précédent du digital. Le télétravail a été possible grâce aux moyens de télécommunications et des moyens exceptionnels de téléconférences disponibles (MS teams, Cisco Webex, Zoom, …). L’apparition de nouvelles solutions innovantes et de procédures dématérialisées a permis de garantir le versement des aides aux différentes populations impactées, ainsi que la continuité de plusieurs services délivrés par les organisations publiques et privées. L’enseignement à distance a pris également sa place dans les familles et a permis d’assurer la continuité de la dispense pédagogique des enseignements public et privé.
Cette transformation digitale a permis de revoir les business modèles de plusieurs organisations, réinventer et faire le « Reengineering » total de certains processus en se basant sur les possibilités offertes avec les nouvelles technologies et en intégrant de nouveaux paradigmes tels que l’Intelligence Artificielle, le Big Data, les Machines Learning, etc.
J’ai effectué plusieurs missions de conseil dans le domaine du digital, dans divers pays africains, notamment Burkina Faso, Cote d’ivoire, Mauritanie, Sénégal, Guinée, Djibouti. J’ai constaté que l’opportunité et la faisabilité de collaboration entre nos pays africains n’étaient pas seulement possibles, mais qu’elles offraient d’immenses espaces de progression des populations africaines. Des projets communs peuvent être co-initiés et/ou co-développés pour faire face à des besoins mutuels et mutualisables en matière de transformation digitale, de dématérialisation et de digitalisation de certains processus des organisations tant publiques que privées.
A titre d’exemple les secteurs de l’éducation, de la santé, de la prévoyance sociale, des énergies, et de l’administration publique renferment énormément d’opportunités permettant à nos ressources humaines et à nos experts de développer des solutions technologiques pour le grand marché africain qui est en pleine expansion. J’estime que des structures comme Smart Africa et les agences en charge du digital doivent s’associer avec des cabinets de conseil africains, d’intégrateurs et de sociétés de développement africaines pour lancer et piloter des projets phares, avec le concours des donneurs d’ordre africains et l’appui politique et institutionnel des gouvernements.
L’Afrique, une effervescence de ressources humaines
La coopération sud-sud n’est pas un mythe, c’est une réalité, voire une nécessité pour promouvoir le digital dans nos pays. A cette fin, notre groupe (GROUPE IT6) a identifié une dizaine de solutions technologiques innovantes de références développées par certains pays et qui peuvent être utilisées par d’autres pays africains. Pour la réussite d’une telle coopération, une démarche professionnelle et le développement d’un écosystème local et régional autour de ces solutions sont, toutefois, nécessaires. A cet effet, nous avons initié certaines discussions avec certains acteurs et nous sommes convaincu de la faisabilité de ce projet de coopération grâce à une bonne démarche pour assurer non seulement le transfert de la technologie mais aussi le transfert des connaissances et des compétences ainsi que le développement des écosystème africains dans le domaine digital.
Il est aussi clair et évident que les projets de transformation digitale ont besoin de ressources humaines qualifiées. Il n’est nul besoin de rappeler que l’Afrique regorge de ressources humaines adaptées à ce besoin et qu’une partie de ces ressources existe et qu’elle est mobilisable dans le cadre de projets structurants. Quant à l’autre partie de ces ressources, elle est à former à court, moyen et long termes, ce qui fait appel au partenariat Sud-Sud dans le domaine de la formation et de la conversion des jeunes dans le domaine du digital. Il est à préciser que cette formation doit s’étendre sur les trois volets de la formation, à savoir la formation initiale, la formation continue et la conversion des jeunes vers les métiers de digital.
ISSI, une vision africaine de la formation digitale
Dans cette optique, notre GROUPE IT6, avec l’Université Privée de Fès, a lancé la première école au Maroc et en Afrique dédiée à la transformation digitale ISSI (l’Institut Supérieur des Sciences de l’Ingénieur, www.issi.ac.ma/), avec une orientation appuyée vers l’Afrique. Dans ce sens, notre jeune école ISSI a adopté un système de gouvernance moderne avec la création et la mise en place effective d’un conseil scientifique composé de personnes influentes provenant du monde technologique et d’ambassadeurs africains pour assurer une prise en compte des besoins et des stratégies de transformation digitales des pays africains. L’ISSI a également mis en place et lancé un corpus des parrains composé des DSI des organismes publics et privés pour accompagner et coacher les étudiants durant le parcours académique. Ce dispositif vient, en effet, confirmer l’orientation du cursus de l’ISSI vers l’usage des technologies. De même et dans l’objectif de consolider cette coopération Sud-Sud, l’ISSI met à la disposition des candidats africains des bourses d’étude.
D’autre part, il est de notre devoir de ne pas oublier les diplômés chômeurs et surtout de penser à convertir les diplômés chômeurs des filières scientifiques vers des filières informatiques à travers des formations courtes et souvent certifiantes. Nous avons mené une expérience au Maroc avec le groupe OCP (Office Chérifien des Phosphates) à travers son programme Youcode pour convertir des jeunes diplômés chômeurs vers les métiers du digital. Les taux d’insertion sont très élevés et cette expérience peut être reproduite dans d’autres pays africains dans des délais qui sont relativement courts avec toute la maitrise et la qualité exigées.
La coopération dans le domaine de la transformation digitale, peut aussi être renforcée par l’organisation d’événements à l’échelle du continent en collaboration avec plusieurs acteurs africains. L’objectif étant de fédérer les énergies, créer les synergies positives et avoir un évènement africain type Vivatech de Paris ou Gitex à Dubaï pour la promotion de la culture, de la technologie et l’usage de la technologie auprès des administrations publiques, des entreprises privées, des acteurs intervenants dans le secteur et des citoyens.
En somme, il me semble qu’il est urgent et important, voire vital, pour notre continent que l’Union africaine travaille sur le partenariat Sud-Sud dans le domaine de la transformation digitale. Ce travail ne peut s’accomplir qu’en élaborant une stratégie novatrice, claire et précise, à travers une gouvernance pertinente et en adoptant un plan d’actions qui repose sur la mutualisation des compétences, d’expertises et de ressources. Ceci ne peut se concrétiser qu’en associant l’écosystème du digital au niveau de l’Afrique et en appliquant la préférence africaine pour la réalisation de certains projets. L’objectif est de donner la chance et la possibilité de fédérer et l’opportunité de faire émerger des champions africains digitaux et de faire profiter pleinement nos sociétés des immenses possibilités de développement offertes par la technologie et la transformation digitale.